Fenêtre vers le Ciel

[Hazu Elemaar]

Api fila au-dessus de sa tête aussi soudainement qu’habilement, faisant soulever une mèche de cheveux blancs d’Hazu. La mouette s’éloigna de quelques dizaines de mètres de la citadelle, s’éleva vers le ciel du soir pour profiter des rares moments de liberté qui leur étaient encore accordés. Le Cheminant, quant à lui, juché sur le rebord de la fenêtre, respirait l’air frais de la mer à plein poumon, savourait le vent dans ses longs cheveux blancs et contemplait les ombres que lançait sa mouette avec la lumière basse du soleil.

Ses yeux n’étaient qu’un voile noir du désespoir dont lui et une bonne partie des autres Survivants faisaient preuve. Depuis qu’ils étaient enfermés sous terre.

** Api ! Ne t’éloignes pas trop**

Conformément à l’ordre mental du garçon, la mouette se rapprocha de la falaise abrupte et décrivit un piqué vers la surface de la mer. Hazu la suivit des yeux quelques secondes avant d’étendre les jambes dans le vide, d’appuyer sa tête contre la paroi rocheuse de la fenêtre et de perdre son regard vers le soleil. Là, au-dessus de l’écume de la mer qui s’écrasait contre la roche, la mémoire du garçon revint en arrière. De quelques semaines, mois, années ? Aucune idée. Il avait perdu la notion du temps, à rester enfermé sous terre.

Tout se dont il se souvenait, c’était le ciel bleu qui disparaissait derrière les cendres de la guerre. LA douleur de sa maladie. La fuite. Et puis son rêve, le po… Hazu se retourna d’un coup sec. Le bruit avait disparu, bien qu’il fût sûr de l’avoir entendu. Hélas l’ombre des grotte l’empêchait de voir plus loin que le bout de ses cheveux et il ne disposait d’aucun moufmouf sous la main.

« Ohé ? » se risqua-t-il en faisant une moue inquiète.

Aucune réaction. Prudent, le garçon leva une main vers l’obscurité et se concentra. Une lumière blanche entoura sa paume la seconde suivante. Les ténèbres se déchirèrent lentement, sa vision s’élargit sur le sol sombre de la caverne… Mais le silence persista. Hazu se résigna à reporter son attention sur la mer, mais, frustré et légèrement exalté par l’impression de présence qui planait derrière lui, il se décida à se lancer dans le vide…

… pour atterrir sur la plateforme rocheuse quelques mètres en contrebas. Le Cheminant aux cheveux blancs regarda brièvement autour de lui et s’assit, nostalgique, tout en fixant l’horizon. Api repassa à toute vitesse à quelques centimètres de ses cheveux.

[Amy Costello]

Pour l’instant, le perpétuel sourire qui le caractérisait avait quitté le visage d’Amy. Comme pour beaucoup de Survivants, elle traversait une des périodes pénibles où elle revivait ses souvenirs, la plupart du temps ceux dont elle n’avait aucune envie de se souvenir. Le besoin de solitude s’était fait trop fort et elle s’était mise à errer, sans vraiment savoir où elle allait, l’esprit embrumé…

Elle pensait à sa famille. Du moins à ce qui, avant la chute du météore, répondait à cette appellation. C’est-à-dire une mère dépressive, un père alcoolique, une sœur avec toute une maison à sa charge et une gamine… Elle. Sa sœur, la seule personne à laquelle elle tenait, qui avait été abattue de sang-froid devant ses yeux, par celui qu’elle avait appelé « papa » pendant des années. Elle serra les dents…

Elle se remémorait encore la scène comme si elle la revivait au jour le jour. Le sourire de Grace. Des éclats de rire. La joie. Des yeux pétillants. Les siens. Puis une porte qui claque… Une rupture dans cet environnement pour laisser entrer la terreur, comme un filet de glace zébrant une atmosphère tropicale. Des cris, des hurlements. Métal. Peur. Balle. Sang.

Amy cria. Puis, sans prévenir, s’embrasa. Sa chevelure écarlate n’était plus que flammèches de feu dansant autour de son visage. Ses yeux verts s’étaient parés de rouge, un véritable brasier écumait son âme. Sa rage la consumait tout entière, elle se mit à courir, ne voyant plus rien, jusqu’à ce que le noir l’entoure… Une grotte, probablement un cocon abandonné. Elle frappa dans un mur, aussi violemment que ses membres le lui permettaient. Au premier coup, ses doigts émirent des craquements glauques. Au deuxième, ils se teintèrent d’un violet inquiétant. Au troisième, ses phalanges étaient maculées de sang. Au quatrième, la paroi laissa s’échapper une cascade de pierres. Elle arrêta de frapper.

Pour s’écrouler. Le feu se tarit, la fatigue s’empara d’elle, les larmes roulèrent sur son visage, s’évaporant jusqu’à ce que la chaleur de son corps baisse… Elle entendit un bruit. Une voix. Visiblement, il y avait quelqu’un… Elle se leva, discrètement, fit quelques pas et aperçut une silhouette, de dos. Une chevelure blanche, longue, un corps masculin… Elle fouilla parmi ses connaissances mais ne trouva personne répondant à cette description. Il se tourna une nouvelle fois et Amy eut juste le temps de disparaître à l’angle du mur. Elle le suivit, sans parvenir à s’expliquer pourquoi…

Il s’était assis sur un pic rocheux, élevé au milieu du Mont. Il contemplait l’horizon, admirablement beau, il fallait bien l’avouer. Une mouette passa près de lui… Etrangement, il dégageait une aura apaisante, comme une lumière allumée au plus profond de la plus noire des nuits. Amy se calma puis, doucement, s’assis dans la même position, quelques mètres derrière lui. Il ne s’était pas retourné.

[Hazu Elemaar]

Qu’est-ce qu’il aimerait être comme lui, ce goéland, libre comme le vent qui le portait. Libre d’aller où il voulait quand il voulait, de la manière dont il voulait, pour faire ce qu’il voulait. Comme avant les Rédempteurs, avant qu’ils ne leur volent leur ville, leur vie par simple caprice. Les Rédempteurs, toujours eux…

Ne prêtant aucune attention au bruit de glissement de pierres qui survint derrière lui, le Cheminant dirigea un regard noir – dans les deux sens du terme, puisque ses pupilles débordant de haine quittèrent leur lueur émeraude pour une couleur d’un noir vif – vers l’intérieur des terres. Là, la forêt, la cité, les plaine, les routes n’appartenaient qu’à eux, mais les nuages sombres qui les recouvraient toutes rappelait brutalement aux Survivant leur échec. Ils étaient prisonniers de leur propre faiblesse. Cloîtrés dans les entrailles de la terre. À nouveau, l’idée traversa Hazu que pour être libre, il devait trouver un moyen de voler. Sur Terrea, il devait bien trouver un moyen.

*Voler… Ca serait génial. Rien à faire sous terre. Rien à faire avec eux qui ne me voient même pas… *

Sans raison particulière, le garçon fut pris de l’irrésistible envie d’entonner un chant de guerre, ou en tout cas d’en jouer le rythme avec la flûte qu’il portait à la ceinture, mais il s’abstint. Tandis qu’il contemplait les landes Terréennes derrière lui, une éclatante tache rouge attira son regard à quelques mètres en contrebas. Une fille aux cheveux écarlates. Il l’avait déjà vu en compagnie de Jyl, le lendemain de la Dernière Bataille. En revanche, étrangement, contrairement à la dernière fois, c’était lui quelle regardait maintenant. Le Cheminant ne sursauta pas cependant que ses pupilles reprenaient lentement leur couleur verte.

« Salut » articula-t-il en retournant son regard vers l’horizon, lent à se détacher de sa mauvaise humeur.

Son ami goéland sentant la colère qui avait secoué le Cheminant décida d’amorcer la descente. Après avoir fait une nouvelle fois remuer les cheveux blancs du garçon, l’oiseau se posa sur un autre pic rocheux à quelques mètres de là, son regard faisant la navette entre lui et la fille derrière lui.

[Amy Costello]

Amy restait immobile, statufiée derrière l’homme aux cheveux blancs. Elle ne voulait pas le déranger, lui donner l’impression d’être espionné. Elle connaissait cette sensation et était loin de l’apprécier. Etrangement, rester ainsi, sans bouger, le regardant, la calmait. Elle ne s’expliquait pas pourquoi, d’habitude seule la solitude avait ce pouvoir apaisant sur elle. Il se rangeait visiblement dans les exceptions. L’Homme, au bout d’un certain temps passé avec, l’ennuyait, l’exaspérait. La fatiguait profondément. Mais le jeune homme était différent, elle en était certaine, intuition qui surgissait de… Elle ne savait pas vraiment d’où.

En essayant de bouger, ses phalanges tuméfiées se rappelèrent à elle. Elle s’appuya sur sa main dans une vaine tentative pour se relever et son bras lâcha prise, incapable de soutenir son poids et la remettre sur pied. Un bruit d’éboulis retentit dans la caverne, et elle jura silencieusement. Elle qui voulait se faire discrète, c’était peine perdue…

*Bravo, Amy, tu as encore perdu une occasion de ne pas te faire remarquer...*

Comme il fallait s’y attendre, le jeune homme se retourna, alerté par les pierres qui avaient roulé jusqu’à lui. Il trouva une fille au visage tordu par la douleur, à la main ensanglanté et aux cheveux d’un rouge vif en bataille. Encore heureux qu’elle n’ait été en feu, la vision aurait sûrement été trop surréaliste pour y croire. Une Abominable Femme des Cavernes aurait fait meilleure figure.

Elle esquissa un sourire, à moitié pour se justifier de sa présence dans son dos alors qu’ils ne se connaissaient même pas – d’ailleurs, maintenant qu’elle y pensait, depuis le temps où elle vivait avec les Survivants, comment avait-elle pu ne pas le remarquer ? – et à moitié pour ne pas l’effrayer. Parce que, si, si, elle avait déjà effrayé des gens rien que par acte de présence. Son regard fut immédiatement attiré par ses grands yeux, verts voilés d’une ombre noire qu’elle ne s’expliquait pas et se rétractait, comme s’il refusait de montrer une certaine part de lui en « public ».

Des yeux où elle ne put s’empêcher de se noyer, océan d’un vert aquarelle, peut-être moins agressif que celui de ses propres yeux, mais beaucoup plus… Apaisant. Décidément, était-il grand sage ou quelque chose du même genre pour avoir un pouvoir aussi déstressant sur elle ? Ce n’était pas une vertu dont beaucoup pouvait se vanter. Son caractère explosif et emporté avait toujours primé par-dessus tout. Il paraissait rêveur, son regard allait et venait entre la mouette qui ne le quittait pas, l’horizon et la fille un peu dingue à moitié écroulée entre les rochers, derrière lui.

« Salut, répondit-elle avec un sourire. »

[Hazu Elemaar]

À la grande surprise d’Hazu, la fille lui répondit. Sans doute devait-elle s’ennuyer ferme à l’intérieur de la citadelle, sans doute cherchait-elle un compagnon pour passer le temps, et sans doute avait-elle, euh… brisé les murs à l’aide de ses poings jusqu’à tomber sur lui et le juger suffisamment digne d’intérêt pour lui parler ? Cela allait pourtant faire deux jours qu’Hazu vivait presque en solitaire, au milieu des gens. Et bientôt une journée qu’il avait décodé de s’isoler pour tenter vainement de mettre ses pensées au clair. La présence de la jeune fille, contrairement à ce qu’il aurait cru, ne faisait cependant rien pour améliorer son état.

Il lui fallut tout de même plusieurs secondes avant de saisir que c’était à lui de parler. Ses yeux redevinrent vers lumineux et le garçon secoua la tête.

« Je suis désolé si tu cherchais quelque chose ou quelqu’un, peut-être la solitude. Je ne comptais pas rester encore longtemps si tu veux. »

*Voilà qui devrait la rassurer*

Api s’envola sans crier gare vers le haut de la falaise en poussant un cri strident. Ni le Cheminant ni la jeune fille n’en tinrent compte. Pour sa part, Hazu s’attendait à voir l’inconnue se lever et quitter la falaise à grand renfort de soupirs. N’entendant plus rien derrière lui, il supposa que ça devait être le cas et il s’empara de sa flûte. Son regard se perdit un instant au loin puis, alors qu’il se retournait pour s’emparer de la hanche de l’instrument, ses yeux croisèrent de nouveau ceux de l’inconnue. Des yeux redevenus vert sombre. Là, le Cheminant ne put s’empêcher de hausser un sourcil tandis qu’il se retournait vers sa flûte d’argent.

« Comment tu t’appelles ? » s’enquit-il.

[Amy Costello]

Ouhlà. Elle avait dû le déranger. Gloups. Elle déglutit, soufflée par la remarque du jeune homme. Il désirait probablement qu’elle le laisse tranquille, voilà qu’elle rougissait. Elle était honteuse de l’avoir suivi - *Oui, ma vieille, c’est exactement ce que tu as fait* - et de le déranger. S’il était ici, c’était indéniablement pour avoir sa part de solitude, réflexion personnelle et tout le bataclan du parfait penseur. Elle aurait dû y penser avant.

« Je… Non, je ne cherchais personne, en fait… Je… Désolée de t’avoir dérangé, je peux juste m’en aller si tu veux. », bégaya-t-elle après un temps de réflexion visant à déterminer de quelle manière elle aurait l’air le moins stupide.

Il avait l’air si hautain, presque méprisant. Elle n’avait pas l’habitude qu’on ait ce genre d’attitude avec elle, ou plutôt, elle n’avait pas l’habitude de ne pas fondre sur le rable de la personne et la défigurer avec délice lorsqu’elle se retrouvait confrontée à ce genre de situation. Là, le mieux qu’elle put faire fut de s’asseoir correctement et rester les bras ballants à le regarder alors qu’il s’en fichait totalement de sa présence de parasite.

Elle aurait pu se lever, s’envelopper dans ce qu’il lui restait de dignité et crapahuter avec son membre mort jusqu’à la sortie, mais elle n’en fit rien. Pourquoi ? Excellente question, et la réponse est… Pas de réponse. Elle ne se l’expliquait pas. Il avait l’air perdu, en fait. Son indifférence masquait quelque chose de plus profond, elle en était persuadée. Mais était-ce vraiment une raison pour jouer à Mère Thérésa ?

« Je m’appelle Amy. Amy Costello. Et toi ? », répondit-elle néanmoins.

Peut-être parviendrait-elle à engager un semblant de dialogue ? Ça l’étonnerait franchement, mais soit, essayons ! Il prit sa flûte et s’apprêtait visiblement à jouer avant qu’elle ne l’interrompe. *Bravo ma grande* Décidément… Elle ne s’était encore jamais sentie aussi intrue. Hormis les premières semaines où elle avait rejoint les Survivants, lorsqu’ils étaient encore établis dans les sous-sols de la Falaise. Là elle se sentait vraiment en marge, telle l’épine dans le nougat. Sensation ô combien désagréable. Peut-être ferait-elle bien de se retirer tant qu’il était encore temps…

[Hazu Elemaar]

Prolongeant son mouvement, Hazu fit mine de nettoyer sa flûte puis de la ranger tout aussi naturellement. Il n’aimait pas jouer devant des gens, surtout quand la musique devenait le seul moyen d’extérioriser ce qu’il ressentait et de mettre un visage sur des sentiments qu’il ne comprenait pas. Au final, personne n’aurait pu prédire qu’il avait eu l’intention d’en jouer. C’est là que la fille lui répondit.

Dès son prénom, Hazu tiqua.

«… Costello ? » prononça-t-il en même temps que lui. « Oui, je vois. »

Evidemment, elle s’était présentée à Jyl devant lui, avant d’emmener tous les Survivants dans les grottes et de laisser Hazu seul avec les guérisseurs pour soigner les blessés de guerre. Le Cheminant fut alors traversé de l’envie de se rendre dans un bar pour le reste de la nuit qui s’annonçait. Combien cela faisait-il de temps qu’il n’avait plus bu du bon alcool ? Deux éternités au moins. Et ce soleil couleur sang qui s’enfonçait dans l’océan de l’horizon jetait de nouveau un voile sur une journée vide à l’intérieur de la Citadelle. L’ambiance se calme, le garçon se détendit, mais garda sa soif.

« Hazu Elemaar, annonça-t-il d’une voix terne, conscient qu’elle ne comptait pas faire la biographie de son prénom. Tu t’es fait quoi aux mains ? »

Un minuscule caillou se détacha du haut de la falaise cependant que le garçon tournait la tête vers son interlocutrice.

[Amy Costello]

Amy se releva, sans s’écraser contre une quelconque paroi rocheuse, cette fois. Elle regarda le jeune homme ranger sa flûte. Elle espérait que ce n’était pas à cause de son irruption. Etrangement, il semblait déjà connaître son nom. Pourquoi alors ne se rappelait-elle pas l’avoir vu ? Ou peut-être… Elle tenta de se mémoriser le moment de son arrivée, à la Falaise. Elle était épuisée, apeurée, et pourtant… Il était avec Jyl.

Elle revoyait la scène, floue, le temps et sa faiblesse à ce moment ayant fait leur travail sur ses souvenirs, pourtant maintenant qu’elle y réfléchissait, il était là. Puis ils étaient partis… Elle ne savait plus trop où. En exploration, ou quelque chose comme ça. Et lui était resté. Ils ne s’étaient pas vus depuis, ou presque pas. Elle leva la tête, détailla son visage. Elle aurait voulu le connaître, sans s’expliquer d’où lui venait cette envie…

« On s’est déjà vus, je crois… Il y a longtemps… A la Falaise, quand je suis arrivée… », dit Amy doucement, comme un murmure, une incertitude.

Elle regarda à nouveau sa main. Du sang séchait dans sa paume et ses doigts s’étaient teintés d’un violet peu avantageux. Ses phalanges étaient écrasées, comme broyées. Elles devaient certainement être en miettes. La peau qui s’y tendait était déchirée et on apercevait même les os en dessous du peu de tissu abîmé qu’il restait.

« Euh, je… J’ai frappé dans la paroi. J’étais… En colère. Mais ça va aller. », lui répondit-elle d’un air hésitant.

Déjà qu’elle faisait figure de voyeuse, en plus maintenant il allait penser qu’elle était sado maso. De mieux en mieux. Elle était juste énervée. Et triste. Elle avait eu besoin d’exorciser, et la douleur physique était la seule chose qu’elle avait trouvée pour ne pas que la douleur intérieure explose. Mauvaise solution ? Oui, c’était certain. Mais la seule à sa disposition. Pour l’heure, ce n’était pas important. Il avait eu le mérite de lui changer les idées. Elle avait envie de le connaître… Ce besoin de toujours aider les autres, de savoir ce qu’il n’allait pas, de les voir sourire. Elle savait qu’elle était bizarre. Pourtant elle sentait, au fond d’elle-même, qu’il avait quelque chose.

« Tu devais sûrement rechercher un peu de solitude, non ? »

[Hazu Elemaar]

Comme la conversation s’engageait, la jeune fille, Amy, se décida à venir à côté de son pic rocheux pour être à son niveau. Le Cheminant continuait de détailler le crépuscule d’un regard songeur, encore que ses yeux ne viraient plus autant sur le noir mais sur le vert terne. C’était ça le problème d’avoir des yeux pareils, tout le monde pouvait juger vos humeurs…

Il tourna quand même le yeux vers son interlocutrice pour contempler sa mine pensive quant à leur première rencontre, il y avait déjà plusieurs mois… Il haussa un sourcil, étonné de constater qu’elle s’en souvenait. Après l’avoir laissé remuer ses souvenirs plusieurs secondes, il opta pour les compléter.

« Bien vu. A l’entrée de la Citadelle, après la bataille. J’essayais de guérir les blessés. »

En parlant de blesser, tous deux dirigèrent leur attention sur les mains d’Amy, couvertes de croûtes qui commençaient à sécher et d’une couleur peu naturelle. Hazu se demanda un instant à quoi devait ressembler le spectacle de voir la jeune fille démolir des murs à coups de poings pour en arriver à ce résultat, mais décida d’arrêter quand il se mit à imaginer une Hulk féminine avec la bave aux lèvres. Quoi qu’il en fût, malgré ce qu’elle pouvait en dire, ses mains paraissaient avoir souffert. Le garçon le regarda encore quelques secondes puis, sans mot, dire, s’empara délicatement de la main blessée.

« Laisse moi faire » souffla-t-il devant la méfiance de la jeune fille.

Ses yeux croisèrent les siens quelques secondes, lumière émeraude dans océan d’émeraude, avant qu’il ne baisse le regard. Sans un mot de plus, il plaça son autre main au-dessus de la sienne et la seconde d’après, une étrange et apaisante lumière blanche jaillit de sa paume et réchauffa celle d’Amy. Les veines se reconstituèrent, le sang se fluidifia, redonnant une couleur naturelle à sa main. La peau cicatrisa sous l’effet de la lumière et les croûtes tombèrent en poussière sous la chaleur.

Leurs mains se séparèrent dix secondes plus tard. Quand Amy reprit possession de la sienne, aucun indice ne pouvait laisser deviner qu’elle avait démoli quoi que ce soit.

« Ca va mieux ? » demanda le garçon, tout de même soucieux.


(Désolé, j’ai aucune inspiration)

[Amy Costello]

Amy fut surprise que lui se souvienne si bien de leur rencontre. Il devait avoir une excellente mémoire, car cela remontait à maintenant plusieurs années et elle ne prétendait aucunement l’avoir particulièrement marqué. Elle reconstituait la scène dans sa tête, les yeux levés vers le ciel, les sourcils froncés de concentration et une moue de réflexion sur le visage. Ça y est, elle s’en souvenait parfaitement à présent.

« Oui, c’est ça » acquiesça-t-elle.

Elle fut d’autant plus surprise lorsqu’il s’approcha d’elle et que ses yeux croisèrent les siens. Elle s’y plongea quelques secondes, et eut l’impression délirante que son regard avait… Guéri son âme. Il ne subsistait plus rien de la douleur sourde qu’avait provoquée la pensée de son père et de sa sœur, plus la moindre fissure dans son cœur. Etonnant… Pas impossible qu’il n’en soit rien et qu’elle devienne simplement folle, mais sentir cela lui fit du bien.

Il détourna vite le regard, laissant Amy dépitée. Elle les aimait ses yeux, elle… Il saisit ses mains, presque avec tendresse, accroissant l’étonnement mêlé de méfiance de la jeune fille. Que voulait-il donc faire ? Si son cœur était exempt de toute douleur, ses mains, elles, réagirent au quart de tour à la moindre pression. Elle laissa échapper un gémissement de douleur.

Sa douceur l’apaisa un peu. Gardant une de ses mains sous celle tuméfiée d’Amy, il positionna l’autre par-dessus ses phalanges. Une étrange lumière blanche en émana, répara ses tissus, reforma ses canaux sanguins et fit disparaître la couleur aubergine de son épiderme. Elle en resta ébahie. Plus rien ne subsistait de sa blessure. Son regard couru de Hazu à sa main, elle était stupéfaite. Il était vraiment doué…

« Merci beaucoup »

Elle chercha à nouveau ses yeux, désireuse de les recroiser, de lui montrer sa gratitude. Elle n’était pas habituée à ce genre de manifestations envers elle, même si pour lui ce n’était rien, il devait faire cela bien souvent. Il évitait son regard, elle le perçut bien vite. Alors elle souleva sa main raccommodée et en caressa légèrement la sienne, ses mains magiques, juste un frôlement, comme la caresse d’une plume. Elle releva la tête à nouveau, cherchant son regard.

(J’étais pile poil en train de dire « Ouah, il était inspiré O.o » ^^)

[Hazu Elemaar]

Hazu sourit quand Amy lui demanda si c’était de la solitude qu’il cherchait. La chercher ? À quoi bon ? Les gens comme lui étaient suffisamment seuls pour encore chercher à l’être. A croire que seul Api pouvait le comprendre pour le moment. Cherchant le goéland des yeux, le garçon se retrouva face à un échec. Même en levant les yeux l’oiseau demeurait invisible. Au dessus de la mer, de la falaise, dans la Citadelle, rien.

*Etrange… *

Au moment même où il envisageait de l’appeler mentalement, la jeune fille le tira de ses pensées. Elle semblait seulement commencer à se remettre de sa guérison éclair, d’où la raison de son regard un peu égaré. D’abord déconcerté par la disparition de l’oiseau, Hazu finit cependant par sourire puis s’inquiéta devant le regard insistant de la jeune fille.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

Son visage avait réellement quelque chose d’inquiétant, d’étranger avec celui de la fille qui abattait les murs de ses poings pour se calmer. Il soupçonna d’abord un malaise, mais il l’aurait sentit en la soignant. Il se retourna alors pour vérifier si quelque chose ne se trouvait pas derrière lui. Rien, à part une étrange fumée qui s’élevait des plaines, très loin de là. En désespoir de cause, le garçon opta pour la dernière solution possible – et surtout parce que lui même le voulait :

« Tu veux qu’on rentre ? »

Sa main caressa la sienne. Hazu la regarda quelques secondes, devina un vertige derrière ce contact inattendu, et descendit derechef de son pic pour commencer la remontée vers la fenêtre de la Citadelle. C’est à ce moment que la jeune fille reprit ses esprits et le suivit du regard.

« Amy ? C'est dangereux de rester ici la nuit, et je te conseille de ne pas utiliser ta main tout de suite, elle est encore fragile. Bref... J'y vais. »

A peine eut-il posé la main sur la paroi qu'une nouvelle portion de cailloux dégringola des sommets.

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